FWDThinking Épisode 1 : Penser à l'avenir

Publié le 8 juil. 2020

Toutes les opinions exprimées dans ces épisodes sont personnelles et ne reflètent pas les opinions des organisations pour lesquelles nos invités travaillent.

 

Le 2 juillet dernier, à 19 h (heure de l’Est), j’ai enregistré le premier épisode d’une nouvelle série en ligne produite en collaboration avec l’Académie du numérique de l’École de la fonction publique du Canada. J’étais debout tard, puisqu’un de mes invités se joignait à nous depuis l’autre bout de la planète. Pendant une heure, Pia AndrewsJesse Hirsch et moi-même avons discuté grandement sur les gouvernements et la technologie. Vous pouvez écouter la conversation (anglais seulement) sur notre chaîne YouTube.

Au cours des prochains mois, nous aurons davantage de discussions, chacune faisant l’objet d’un sujet spécifique. Mais, puisqu’il s’agissait du premier épisode, nous nous sommes éloignés des détails et concentrés sur les grandes lignes :

 


Le gouvernement devrait-il créer un réseau Internet public ?

Le gouvernement joue un rôle évident dans l’établissement d’infrastructures physiques comme les ports et les autoroutes, mais il est assez absent de l’infrastructure numérique, se fiant plutôt à des sociétés privées pour implanter la technologie dans nos vies. Alors que nous adoptons les technologies numériques, cet arrangement devrait-il être repensé ? Si Internet est un droit fondamental, nécessaire à la participation citoyenne, devrait-il se détacher de la prestation à but lucratif ?

Comme l’a souligné Jesse : « J’ai passé la majorité de ma vie à essayer de situer Internet,  venant du secteur public, mais appartenant au secteur public en tant qu’infrastructure; comme une sorte de ressource publique. »

« L’infrastructure numérique publique n’est pas un terme très utilisé », a renchéri Pia. « J’ai commencé à l’utiliser il y a quelques années pour encourager les gens à y réfléchir. Nous sommes très, très doués en infrastructures publics dans des pays [relativement sociolibertaires] qui se concentrent sur la santé, l’éducation et le transport publiques. » Pia a toutefois précisé que « nous n’avons pas d’équivalence numérique. Nous n’avons aucune infrastructure numérique publique. »

 


Mettre à jour la Magna Carta

Pendant plus de huit cents ans, la Magna Carta Liberatum (plus connue sous le nom de Magna Carta) a été le pilier des libertés civiles. Elle est mieux connue pour sa 39e clause, qui donne droit à la justice et à un procès à tous les « hommes libres ».

 Aucun homme libre ne sera arrêté, ni emprisonné ou dépossédé de ses biens, ou déclaré hors-la-loi, ou exilé, ou lésé de quelque manière que ce soit, pas plus que nous n’emploierons la force contre lui, ou enverrons d’autres pour le faire, sans un jugement légal de ses pairs ou selon les lois du pays.

Bien sûr, le terme « hommes libres » était connoté d’inégalités raciales et sexuelles, mais le document reste un jalon essentiel à la justice civile de son temps. La 39e clause a été utilisée dans bon nombre de constitutions pour donner le droit de confronter un accusateur. Par exemple, dans la Constitution des États-Unis, la clause de confrontation du sixième amendement dit que « l’accusé aura le droit […] d’être confronté avec les témoins à charge ».

Aujourd’hui, la technologie est le témoin. Imaginez qu’on vous accuse d’un crime. Ceux qui vous accusent ont un enregistrement qui, selon eux, vous incrimine. La Cour retient que vous avez le droit de voir cette preuve. Les outils modernes donnent beaucoup plus de pouvoir à un enquêteur; des plateformes de détection et de rapport peuvent scannériser des vidéos pour des plaques d’immatriculation, des visages et beaucoup plus. Avons-nous besoin de mettre à jour les clauses de confrontation pour garantir à l’accusé le droit de voir des preuves contre eux à l’aide des outils de leur accusateur ?

« Un design inclusif suggère que… Si on conçoit, disons, l’automatisation du système de justice criminelle, la participation des criminels devrait être incluse et prise en compte, pour être en mesure d’anticiper tous les usagers de ce système, » a observé Jesse.

 


Mauvais paramètres, effets pervers

Le gouvernement et le secteur privé utilisent tous deux l’argent comme étalon de décisions. Comme Pia a remarqué : « tout revient à l’efficience, l’efficacité  ou le débit, et le défi est que le véritable succès des systèmes que nous élaborons — particulièrement les systèmes de secteurs publics [et] les services publics — devrait ultimement mesuré en impact humain.

Changer les systèmes de mesure demanderait une reconstruction fondamentale de sociétés, mais pour plusieurs, il est clair que le modèle actuel n’offre pas les meilleurs résultats à la population. 

 


Solutions exponentielles à des problèmes exponentiels

Pour résoudre un grand nombre des problèmes d’aujourd’hui — réchauffement climatique, justice sociale, pandémies mondiales, pour n’en nommer que quelques-uns —, il faudrait de nouvelles approches. « Les problèmes [et] les opportunités auxquelles nous faisons face [sont de sorte que] les changements, la vitesse et l’impact grandissent tous exponentiellement, » a déclaré Pia. « Cette terrible pandémie en a été un exemple. Les gens ne comprennent pas comment développer des réponses exponentielles à des problèmes exponentiels. » Mais, comme elle l’a indiqué, pour se rendre dans l’espace, il ne faut pas construire une plus grosse voiture — il s’agit d’un tout nouveau lot de défis. « Vous savez, si on a vraiment besoin de se rendre dans l’espace, la plus grosse voiture avec les plus grosses roues et le meilleur carburant ne sera tout simplement pas suffisante. »

Cela ressemblerait plutôt à :

  • des programmes adaptés, avec de la surveillance en temps réel;
  • des systèmes qui réunissent politiques et mises en œuvre;
  • la gouvernance participative afin de comprendre les valeurs, besoins, directions et aspirations du public;
  • un futur dans ce que nous faisons aujourd’hui, puisque sinon, nous reportons indéfiniment ce qui est possible.

 


Participation des utilisateurs dans tout

« L’un des plus importants échecs des dix dernières années du secteur privé, a dit Jesse, a été leur incapacité de bien utiliser la participation des utilisateurs. » Il a cité des commentaires et des rétroactions en ligne qui, dans les premiers jours d’Internet, étaient optimistes et pertinents, mais sont rapidement devenus de la partisanerie et de la diffamation de caractère.

Certains gouvernements ont géré ces problèmes avec un succès relatif. « En Nouvelle-Zélande, nous a dit Pia, il y avait quelque chose qui s’appelait des jurys politiques. J’allais chercher un groupe démographiquement balancé, tout comme un jury, et on les payait pour trois mois d’éducation sur un secteur politique complexe. Puis [ils] participaient dans le processus de création de politiques. »

 


Le numérique est-il mauvais pour nous ?

Nous avons eu une discussion élaborée sur le digital : s’agit-il d’une bénédiction nous offrant immédiatement, et comme jamais auparavant, connaissances et communication, ou bien s’agit-il plutôt d’une malédiction qui nous polarise et termine les discours ? J’ai argumenté que lorsque nous avons décidé que le contenu en ligne devrait être gratuit, nous comptions sur le fait que la publicité a fait de l’attention la devise du monde numérique, ce qui a créé un modèle de surveillance capitaliste. Nous donnons de l’attention aux émotions fortes, donc, les algorithmes en ligne nous ont polarisé à profit, ce qui rend le discours difficile. 

Pia a rejeté mon hypothèse, déclarant « Internet, en général, a été exceptionnellement bon pour notre espèce, puisqu’il nous a donné un moyen de faire ce que les humains font de mieux : apprendre beaucoup, et rapidement. » Le partage n’a pas réussi à être contrôlé, donc, nous avons créé des plateformes ouvertes, des logiciels libres, et d’autres outils qui ont abattu les murs des jardins de la propriété intellectuelle. 

Toutefois, l’une des conséquences qui surviennent est le changement d’un concept de « normalité » vers l’individualisme. Dans une ère de diffusion, où quelques groupes sont contrôlés par la presse écrite, les stations de radio ou de télévision, nous adhérons tous à un concept de ce qui était normal. Internet nous a aidés à reconnaître que nous sommes tous différents, que tous les humains forment un lot très diversifié. Il « nous a aidés à être un peu plus confortables à l’idée de ne pas être identique à la voix ou à l’image qui projetée par nos écrans, ou la voix que l’on entend sur la radio, » a expliqué Pia.

« Nous sommes en train de renverser la tyrannie de la normalité. Il n’y a plus de “normal”, mais cela nous laisse dans un état vulnérable, puisque nous sommes tout à coup confrontés à notre propre individualité, » a convenu Jesse. « D’un côté [il s’agit d’un] contexte libérateur. D’un autre côté, c’est terrifiant, puisqu’il y a maintenant un million de choix différents, et un million de façons de faire différentes. »

Un grand nombre des résultats pervers des plateformes commerciales numériques existent à cause des systèmes à but lucratif sur lesquels nous les basons. « Les toutes premières expériences au Népal et au Bhoutan, qui portent sur la prise en compte de la joie comme mesure [et] plus tard, les expériences en Nouvelle-Zélande, qui se penchent sur le Cadre du Bien-Être en ayant l’Économie, la Société, l’Humain et l’Environnement comme quatre capitales, » a dit Pia, nous aideraient peut-être à « choisir quelque chose qui ne sera peut-être pas le plus rentable, mais offrira considérablement plus de tous les autres bénéfices. »

Toutefois, nous devons changer drastiquement la manière dont nous suivons ces résultats.  « Tant que nos systèmes n’intègrent pas davantage de ces mesures humaines du succès, nous continuerons d’avoir des résultats servant de moins en moins les intérêts de l’humain, » a conclu Pia.

 


Années sabbatiques civiles

Serait-il possible d’avoir des citoyens plus impliqués en démocratie en leur donnant du temps au sein du gouvernement, comme certains pays ont l’enrôlement militaire obligatoire ou tout autre programme volontaire ?

« J’adorerais voir quelque chose comme une année sabbatique civile dans un pays, n’importe quel pays, » a déclaré Pia. « Imaginez si 10 ou 15 % du service public était en fait des endroits où des groupes de gens équilibrés démographiquement [pourraient travailler]. N’importe qui pourrait se porter volontaire pour une année sabbatique civile, et serait payé un salaire raisonnable pour travailler sur… un secteur de politiques de leur choix. Il ou elle pourrait être particulièrement passionné pour les handicaps, ou le régional, ou le service — peu importe ce qui les motive. » Non seulement cela créerait d’incroyables opportunités, mais cela pourrait aussi aider à la cohésion sociale et à l’engagement citoyen. 

 


Mais attendez... Ce n’est pas fini !

Voici seulement quelques-uns des sujets que nous avons frôlés dans le premier épisode de FWDthinking. Nous avons discuté de mesures de score social, de l’importance de penser au futur, et nous nous sommes même demandés si la fermeture des plateformes numériques par les gouvernements entraînerait la « déplateformisation » de quelqu’un qui s’y oppose.

Il y a également un quiz (vous devrez aller voir la vidéo pour obtenir les questions, et publier vos réponses sur Twitter avec la mention #fwdthinking — la première bonne réponse obtiendra un billet gratuit en ligne pour le FWD50 2020 en novembre !)

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